Comme chacun en France je suis « confiné » (vaut mieux être un confiné qu’un con fini, mais sait-on jamais ?) chez moi et limite donc mes sorties. Regarder par les fenêtres devient plus fréquent et, pourquoi pas, photographier le peu que je vois : les personnes qui passent, les voisins confinés qui sortent, les files d’attente devant les commerces.. Finis les grands espaces naturels, ouverts sur l’horizon. Place aux clichés confinés.

18 mars. Officiellement décrété le 17 mars, dès le 18 (et même avant) des personnes, plus prudentes ou plus inquiètes, car se pensant ou se sachant fragiles (ou simplement pensant ou sachant être contagieuses), portent un masque. Leur nombre croitra. A un certain moment, le masque sera un objet rare. Pour le photographe de rues le masque est intéressant car en réduisant la qualité « identifiable » des visages, il réduit les risques liés au « droit à l’image », qui interdit de publier une photo de quelqu’un qui soit reconnaissable (c’est un peu plus compliqué que cela mais en gros c’est ça) sans son consentement écrit. L’un des problèmes autour du droit à l’image est, je trouve, qu’il ne précise pas vraiment « reconnaissable par qui ? ». En général (donc pas toujours) chacun peut se reconnaître sur une photo car chacun reconnaît ses propres vêtements et sait qu’il se trouvait à tel endroit à tel moment, mais le droit à l’image ne s’applique-t-il pas seulement si les personnes sont reconnaissables par d’autres.. qui, pour les re-connaître, doivent d’abord les connaître ?
En limitant notre liberté de mouvement, le confinement, « en même temps » (comme dirait l’autre), l’élargit ; en vidant, presque, les rues de voitures, il la libère pour, par exemple, 2 petites filles qui remontent rapidement une rue en rollers, en pensant qu’elles sont davantage en sécurité, ce qui n’est qu’en partie vrai car le nombre d’automobilistes qui profitent des rues presque vides pour y rouler à grande vitesse, a augmenté. La sécurité pour les piétons est alors proche de l’illusion. On peut juste supposer qu’ils verront ou entendront arriver un véhicule plus facilement. La liberté est alors vraiment un sentiment, une sensation, pas forcément une réalité objective..

24 mars.
9 avril. On s’ennuie un peu quand même, mais il paraît que l’ennui favorise la réflexion et l’imagination..

25 mars. S’il n’y avait pas eu le confinement, cette personne serait-elle allée profiter des premières chaleurs ensoleillées du printemps en dehors de chez elle, dans un parc, en terrasse ou à la plage ?

4 avril. Le choix d’aller dans tel ou tel commerce est individuel (ici une boucherie et, vu la morphologie des clients, la viande ne fait pas grossir). Le prix à payer – outre celui de ce qu’on va acheter – est l’attente dans une file plus ou moins longue selon le nombre de personnes et au dessin variable et un peu mystérieux. Sur cette place, la file part parfois sur la gauche, parfois sur la droite (jusqu’à l’immeuble du fond) et atteint vite une longueur impressionnante car les gens laissent beaucoup plus que le mètre recommandé – en France, aux USA c’est 6 feet, soit 1m80) entre eux.

5 avril, 18h. Quand on n’a pas de logement, ou qu’on ne veut (peut) pas y rester, il y a toujours un coin tranquille, plus ou moins à l’abri des regards (croit-on) où tuer le temps. Cet homme a passé toute l’après-midi dans ce square public, à ne rien faire de particulier, à part siroter et penser, sans doute..
J’ai appris plus tard que des personnes dormaient dans ce square.

8 avril. 9h05. Ne pas se lever tard car c’est jour de marché et que ses entrées – pas seulement le nez et la bouche -sont filtrées et l’attente, là aussi, plus ou moins longue..
9 avril. Comment employer le temps ? Marcher dans des avenues désertées, jouer avec son enfant dans le moindre espace vert entre des bureaux.. ou leur faire faire leurs premiers tours de roues sur les trottoirs dégagés..
