
On est citadins non par choix mais par acceptations successives. Un boulot est là, on y va et on finit par passer la plus longue partie de sa vie dans une grande ville. Juste autour – au-delà de la rocade entourant et limitant la ville – sont de petites communes, bourgs du XIXème siècle à 1 église et quelques maisons, qui enflent rapidement , depuis une trentaine d’années, de lotissements. Lotissements des années 80, 90, puis 2000, 2010, 2020 etc.. Nous qui avons vécu la 1ère partie – sans doute la plus importante – de notre vie, au « grand air », au bord de la mer, nous étouffons dans cette ville de 200 000 habitants. Alors, régulièrement, nous avons soif d’en sortir au plus vite et allons chercher un peu de nature en dehors, à la recherche d’un peu de végétal non urbain, qui ici au plus proche est une campagne très agricole, très exploitée.. mais on y va quand même, parce que c’est le plus près de « Vert ». Et surtout nous avons besoin d’espace large, de ciel ouvert, de grands nuages, d’un horizon qui ne soit pas haché d’immeubles.

Alors on avance un peu au hasard et en écoutant son intuition sur des petites routes étroites longées de talus modestes, sillonnant entre des terres très cultivées, et parfois on dégotte une ébauche de chemin qui n’est pas une entrée pour engin agricole et on s’y engage avec l’espoir d’un horizon avec ces silhouettes d’arbres conservés par l’usage, ces arbres en limites de parcelles cultivées – avec force chevaux gasoil – et dont les branches le long du tronc sont coupées par les hommes du coin, pour s’approvisionner en bois moyen pour la cheminée et qui ne leur laissent qu’un toupet. On appelle cela des ragosses. Cette fois-là, le lieu dit s’appelle, le bien nommé, le Champ Doux.

Les raisons pour lesquelles chaque arbre a été taillé de la manière dont il a été taillé, je ne saurais prétendre les connaître même si je m’en doute, mais toujours est-il que les silhouettes, au soleil couchant, ressemblent aux découpages de Michel Ocelot dans Princes & Princesses.
Bref : le bocage rennais, sud, est un décors ocelotien en grand format.

.. et les nuages, merveilleux nuages, sont bien au rendez-vous espéré qu’on leur avait fixé. Ils se déplacent lentement et sûrement au-delà des arbres spectateurs alignés entre les champs, vers le sud, comme à la parade, en défilé dans l’espace grand ouvert, devant le projecteur puissant du soleil bientôt couchant.







Parfois les arbres en ragosses sont morts mais leur fût sec ont été laissés là, comme les colonnes d’entrée d’un domaine effacé par les herses et les charrues.

Les lieux sont totalement maîtrisés par l’Homme. Si des arbres sont là, c’est qu’ils sont tolérés par celui-ci, qui accordent aux oiseaux encore quelque abri, à moins qu’ils servent simplement de bornes aux propriétés foncières agricoles.

