Il semble surgir de la mer ! Ce phare est une splendeur et le résultat de prouesses, comme tous les phares de mer. Pour qu’un tel bâtiment existe en un tel lieu il a fallu beaucoup de volonté, d’efforts et d’ingéniosité. Il paraît assez proche de la terre – d’où est pris le cliché – mais il est quand même à plus de 600 m du point de côte, sur un rocher nommé le Gros du Raz. De nombreux naufrages se produisant dans cette zone (jusqu’à 27 en 1833), les pêcheurs, les marins, réclamaient qu’on signale bien la zone, mais quand le projet d’un phare sur le rocher du Gros du Raz a été annoncé, la plupart des gens du coin dirent que la construction n’était pas possible, qu’on y renoncerait après la perte de nombreux hommes, qu’un phare serait leur tombeau… Pour obtenir que des ouvriers acceptent de tenter le chantier, l’ingénieur des Ponts & Chaussées chargé du projet, Charles-Félix Morice de la Rüe (polytechnicien de 28 ans qui conçut, juste avant, le phare de Gatteville, alors le plus haut d’Europe, plus de 70 m ) qui montre dans son rapport un souci constant de la sécurité et des conditions des ouvriers et des futurs gardiens, fit construire sur le rocher une structure pyramidale en bois (4 pièces de 16 m de long) avec des étages, afin que les ouvriers puissent rester sur place, évitant ainsi les risques d’une traversée quotidienne. Cette structure fut achevée à la Toussaint 1834 et testée pendant l’hiver avant d’y installer les 25 ouvriers pressentis. Le 4 février 1835, un brick fit naufrage sur des rocs proches et son équipage trouva refuge dans la structure…mais cela ne suffit pas à rassurer les ouvriers et l’ingénieur fit fixer, à côté de la pyramide, un mat de 15 m de haut pour servir de « hune de sauvetage »(un mat coiffé d’une plate-forme de refuge, un peu comme la hune d’un voilier)… La grue en bois (9 mètres de long) et le système pour la fixer furent également impressionnants… A partir de 1834, des hommes – des granitiers – ont, 3 ans durant, découpé dans la roche de Dielette (20 kms plus au sud) des blocs de granit que des tailleurs de pierre ont taillés, puis d’autres hommes les ont transportés par la mer ou par la terre jusqu’à Goury, puis 12 hommes ont ramé sur des barques à fond plat, construites spécialement, chargées de ces blocs que les ouvriers et 1 cheval actionnant un manège ont patiemment montés jusqu’à près de 50 mètres de haut et que les maçons ont admirablement assemblés. Ensuite, des générations de gardiens – jusqu’en 1990 – ont vécu dans ce phare pour en assurer chaque soir l’allumage, montant et descendant chaque jour les 200 marches ( 10 étages). Leur relative proximité avec la côte, sur laquelle ils pouvaient aisément voir les gens car les pièces de vie avaient 2 fenêtres vers la terre et non la mer (pour éviter le choc des vagues) – leur femme, leurs enfants… – devait être à la fois rassurante et frustrante. 3 ans pour construire ce phare ! C’est un tour de force comparé à nombre d’autres phares, notamment ceux plus éloignés des côtes et sur des rochers plus étroits (La Jument : 7 ans. Ar Men : 14 ans).